Bruits de bottes en Crimée

4 mars 2014

Bruits de bottes en Crimée

Soldats parachutistes russes via Google images Cc
Soldats parachutistes russes via Google images Cc

Le ministre canadien des affaires étrangères revient à peine de Kiev et le Canada vient de rappeler son ambassadeur à Moscou. Comme tout l’occident, à juste titre, Ottawa a condamné les récents évènements et la barbarie du pouvoir qui a conduit à la mort de plusieurs manifestants. Mais, que peuvent-ils de plus? S’en aller en guerre pour sauver l’unité de l’Ukraine? J’en doute.

Malheureusement, À voir ce qui se déroule  du côté de Simferopole, j’ai la triste impression que les Ukrainiens se sont vraiment tirés une balle dans le pied (même les 2 pieds). Fort du soutien de l’ouest, Kiev, par la destitution d’Ianoukovitch, a défié frontalement l’autorité de Moscou. À ce jeu de dupes, les Ukrainiens sont ceux qui ont tout à perdre. Ianoukovitch n’est ni fréquentable ni défendable, mais il avait lui même proposé des élections partielles dans les deux mois. Pourquoi n’avoir pas attendu pour le déposer par les urnes. À ce moment, la Russie n’aurait pas eu de prétexte pour envahir une partie du pays.

Géopolitiquement, indépendamment du fait que la Russie accuse l’Occident d’ingérence en Ukraine (zone qu’elle considère de fait comme son précarré), la situation trouble de ce pays arrange le pays. La Crimée est un enjeu extrêmement stratégique pour la Russie. Sa flotte en mer Noir y est stationnée et un « contrat » de location lie Kiev à Moscou jusqu’en 2042. La flotte russe peut stationner à Sébastopol en échange d’un rabais de 30% sur le Gaz que les Ukrainiens achètent en provenance de Russie.

La Russie a tout intérêt à voir une république de Crimée faire sécession pour revenir dans son giron. Le gain est double pour elle. Premièrement, le retour de la péninsule dans la fédération permettrait au pays d’en finir avec l’incertitude de ne pas pouvoir renouveler dans le temps son bail de location à Sébastopol. Ensuite, la flotte russe n’aurait plus à payer pour bénéficier des installations Ukrainiennes.

Géopolitiquement c’est un coup de maître que la Russie est en train de mettre en place dans le sud de l’Ukraine. Ce serait même le coup du siècle pour son armée, car c’est une aberration pour elle que sa flotte de la mer Noire soit basée en « pays étranger ».

Que va-t-il se passer ensuite? Les Russes n’iront surement pas au-delà de la Crimée ; ce serait une ligne rouge que les Occidentaux ne tolèreraient pas. Pour l’instant, ces derniers protestent au conseil de sécurité de l’ONU, mais n’iront surement pas jusqu’à une confrontation armée. Des chars russes qui roulent vers Kiev changeraient sans équivoque la donne. La sécession de la Crimée obtenue,  les Russes vont couper le Gaz à l’Ukraine, lui demander de rembourser ses dettes et attendre que le pays fasse tranquillement faillite. À ce moment si l’Europe (avec des finances exsangues) ou le FMI ne viennent pas en aide à l’Ukraine, le pays reviendra tranquillement vers son grand frère de l’est en plus d’avoir perdu une partie de son territoire à tout jamais. Imaginez vous que ce scénarios ce réalise? Machiavel n’aurait pas mieux fait que Poutine.

Malheureusement, force est de constater que les choses ne pourront changer radicalement dans les anciennes républiques soviétiques que lorsqu’un vent démocratique aura soufflé sur le kremlin. Rappelez-vous le formidable élan de liberté qui prit les pays communistes d’Europe de l’Est au tournant des années 80. Ces derniers ont pu se départir des dictatures corrompues qui étaient à leur tête seulement parce qu’à Moscou, le gouvernement avait décidé que le temps était venu pour le changement. Gorbatchev a laissé l’Europe de l’Est devenir démocratique en décidant que les chars soviétiques n’avaient plus à intervenir dans ces pays satellites.

Tant qu’une dictature déguisée sera au Kremlin, ce n’est pas par la force et en donnant des prétextes à l’armée russe que les ex-républiques soviétiques s’émanciperont de la tutelle de leur envahissant « grand frère ». La Géorgie en a fait les frais en 2008 et l’Ukraine n’a pas retenu sa leçon de l’histoire. Seuls des actions extrêmement stratégiques – non violentes – et le « soft power » peuvent donner un espoir d’émancipation démocratique dans cette région du monde.

En attendant le Canada, l’UE et les USA continuent à faire pression sur Moscou dans l’espoir que l’ami Vladimir revienne à la raison.

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Commentaires

Serge
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Economiquement, l'entrée dans l'Union de l'Ukraine n'apporterait aucun avantage à l'Europe: dépendance énergétique par rapport à Moscou, la partie occidentale marche à l'économie des services, il n'y a deja pas assez d'emploi dans l'UE, et enfin, l'industrie se trouve du côté russophone...

dayediallo
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Absolument d'accord avec ce point de vue !!